Le Customer Effort Score (CES): intérêts et limites

En 2010, La Harvard Business Review a publié un article intitulé "Stop Delighting your Customers" qui a marqué le coup d'envoi d'un indicateur désormais de plus en plus populaire : le Customer Effort Score (CES). Après un rapide rappel sur ces différents KPI de la qualité de la relation client, nous nous centrerons sur ce que nous pensons être les avantages et les limites du CES.
Quand en 2010 La Havard Business Review publie « Stop Delighting your Customers », les auteurs Matthew Dixon, Karen Freeman et Nicholas Toman bousculent alors un consensus qui s'était peu à peu installé autour du " Customer Delight". Dans un cadre international, voir également notre tribune sur l'impact culturel sur le Customer Effort Score.

Un regard critique sur l'approche du "Customer Delight"
Cette approche du "Customer Delight" suggère que les conditions propices à la fidélisation nécessitent que l'on dépasse les attentes des clients. Le Net Promoter Score (voir nos remarques ici) s'est donc attaché à l'évaluation d'un solde entre les promoteurs (les notes d'intention de recommandation les plus fortes) et les détracteurs (les notes d'intention de recommandation sur 10 les plus faibles). 


Dans une logique comparable mais concurrente, d'autres auteurs avaient eux soutenu la thèse d'un rendement croissant de la satisfaction sur la fidélité (The Delight Principle). C'est-à-dire que lorsque l'on augmente la satisfaction des clients, leur propension à la fidélité augmente plus que proportionnellement dès lors que l'on se situe dans une démarche d'excellence. Le principal inconvénient d'une telle démarche est qu'elle est opérationnellement extrêmement couteuse et d'un retour sur investissement (financier) hautement contestable. En d'autres termes on contredit la notion de « sur-qualité » pour la remplacer par le principe de « delight » (ou l'investissement qualité sans limite...). 
Le Customer Effort Score nous invite lui à une approche très différente.  Les études réalisées par ces auteurs suggèrent que la fidélité des clients (plus précisément leur intention de fidélité) est davantage expliquée par le faible niveau d'effort que les clients déploient pour avoir satisfaction avec une entreprise, que du niveau de delight (mesuré par le NPS).

Concrètement, le Customer Effort Score se mesure ainsi :

Quel niveau d'effort avez-vous dû déployer pour que votre demande soit traitée ? Veuillez utiliser une note allant de 1 à 5, 1 signifiant "un niveau d'effort faible", 5 signifiant "un niveau d'effort élevé", les notes intermédiaires vous permettent de nuancer votre jugement.



Intérêts :
Le principal intérêt de cette approche est de proposer une mesure plus  «fonctionnelle » de la qualité du contact client. En évaluant uniquement son propre effort, l'interviewé n'est pas conduit à se prononcer sur les interlocuteurs auxquels il a eu affaire. Les dimensions émotionnelles sont donc mises de côté dans ce questionnement, pour favoriser une perception plus fonctionnelle et probablement objective,
Les auteurs mentionnent que cet indicateur est davantage corrélé à la fidélité, que ne le sont la satisfaction globale ou le NPS (via l'intention de recommandation).

Les limites :
L'indicateur (c'est en partie ce qui était son avantage) ne mesure plus les dimensions émotionnelles (empathie d'un conseiller en call center par exemple). Or la relation client est bien naturellement un équilibre entre des dimensions émotionnelles et des dimensions fonctionnelles. S'en tenir au seul Customer Effort Score serait donc particulièrement pauvre pour une étude de gestion de la relation clients,
Une autre limite porte sur le périmètre mesuré : il s'agit d'évaluer l'effort déployé sur un contact donné pour une demande client donnée (information, acte de gestion, réclamation, etc...). La mesure ne couvre donc pas l'ensemble des dimensions de relation à l'entreprise, comme les contacts dont cette dernière est à l'initiative (campagne d'information, marketing direct, nursing call, etc.) . C'est donc une mesure très partielle de la "relation clients",
Les auteurs mentionnent une plus forte corrélation avec la fidélité, mais il faut en fait se pencher sur le détail de leur questionnaire pour découvrir quil s'agit en fait d'une intention de fidélité (posée dans le même questionnaire) et non d'une fidélité observée a posteriori. En l'état on ne peut parler de pouvoir "prédicteur" du CES sur la fidélité, mais plus dune bonne logique interne au sein d'un questionnaire. Il faut donc être extrêmement prudent sur ce que l'on entend faire dire à cet indicateur sur un plan opérationnel,
Pour résumer, le CES offre un apport intéressant dans la mesure de la gestion de la relation clients en intégrant une évaluation plus objective de la qualité délivrée au client au travers de l'effort que celui-ci indique dans le cadre d'une demande qu'il a lui-même adressée. En revanche cette même qualité réduit trop caricaturalement la mesure de la relation client, avec ce seul indicateur dont le pouvoir prédicteur de la fidélité n'est toujours pas démontré. 
Après le NPS, le CES est devenu le nouveau réflexe des cabinets de conseil en stratégie, mais encore une fois, un KPI isolé ne permet en rien de connaître l'état réel de la relation clients et ne peut se substituer à un travail de fond.
Nous conseillons donc d'intégrer cet indicateur en parallèle des autres questions usuelles pour ce type d'étude, mais de ne pas se limiter à celui-ci.