Consumer Insight, les origines, et les différentes formes d'insights

onsumer Insight, les origines, et les différentes formes d'insights


Nous allons ici passer en revue l'origine du terme insight, en psychiatrie, en psychologie cognitive, en marketing et enfin en communication. Nous verrons donc dans quel cadre la notion de consumer insight se situe en regard d'autres disciplines ou le terme d'insight est utilisé, et pourquoi la méthode SMT© permet d'éviter certains pièges d'ambiguïté.

Tout le monde parle d’insight : les psychiatres, les psychologues, les marketeurs, les communicants, les statisticiens, les informaticiens, les journalistes, les décideurs... Pourtant, selon sa discipline d'utilisation, ce terme implique des notions assez différentes.  Evoquons dès à présent l'étymologie du terme "insight".


La traduction du mot insight...

Le terme vient du moyen anglais (entre le XIème et le XVIeme siècle) : “inner sight” : le regard intérieur, la sagesse,…. et du Suédois "insik"t, Danois "indsigt", Hollandais "inzicht", et Allemand "Einsicht". En français, le terme n'a jamais été traduit de façon générique. On emploie donc le terme "insight". En revanche, dans certaines disciplines il a été traduit, en psychiatrie notamment.

L'insight en psychiatrie

En psychiatrie, l'"insight" évoque "la conscience du trouble". Ce terme est utilisé dès la fin du XIXeme siècle, notamment pour apprécier la responsabilité d'un patient lors d'un épisode agressif envers une autre personne. Il est également utilisé pour qualifier dans quelle mesure un patient estime qu'un traitement lui est nécessaire. La capacité de discernement est donc au centre de cette notion. 

L'insight en psychologie cognitive

En psychologie cognitive contemporaine, l’insight se définit comme le processus  par lequel une personne passe de l’état de ne pas savoir comment résoudre un problème à celui, soudain, de l’avoir résolu. La psychologie cognitive va ainsi massivement et scientifiquement étudier dans quelle mesure et quel contexte des individus parviennent soudainement à découvrir des solutions sous l’effet d’une soudaine intuition.

En psychologie cognitive, l’expérimentation sur les insights va surtout être mobilisée pour mieux cerner les enjeux du problem solving, et comprendre pourquoi et comment certains individus trouvent soudainement et intuitivement des réponses à des problèmes potentiellement complexes (dont l'expérimentateur dispose des solutions). Le sentiment « Aha !», sorte de libération d’avoir soudainement trouvé la solution prend place dans un processus de 4 étapes chez le problem solver :

1/ la préparation (découverte),
2/ l’incubation (recul),
3/ l’illumination (Aha),
4/ la vérification de la solution.

Ici, l'insight n'est pas uniquement lié à la prise de conscience du problème, mais aussi au fait d'avoir trouvé la solution correcte pour le résoudre (étape 4). L'insight est donc lié au fait d'avoir trouvé une solution exacte (si la solution trouvée est incorrecte, même avec le sentiment "Aha" alors trompeur d'avoir réussi, on ne peut parler d'insight, car il  ne s'agit pas d'une vision mais plus d'une illusion).

Le consumer insight, en marketing

Chez les marketeurs et les communicants, la notion de consumer insight va s’articuler durant les années 90 et 2000 autour de deux notions complémentaires, qui précèdent le fait de trouver une solution, d’innover et de la communiquer :

  • La problématisation : « Un insight (on dit souvent insight consommateur) est la perception par le consommateur d’un problème ou d’un dilemme irrésolu sur la catégorie de produits où la marque opère » («Publicitor», J. Lendrevie, A.de Baynast, C.Emprin , Dunod, 2014). La notion de « tension » est alors centrale,
  • La métaphore, la vision : « Pourquoi un bon Insight est comme un réfrigérateur? Parce qu’au moment où vous regardez à l’intérieur, la lumière s'allume. » (« Why is a Good Insight Like a Refrigerator? », J . Jeremy Bullmore, Wpp Annual report, 2004).

La première approche liée à la problématisation situe l’insight dans le « problème » mais non dans la solution, donc dans celui de la perspicacité quant à une vérité. La limite de cette approche est que l'aspect "problématique" semble suggérer une version négative de l'insight. Or, certaines tensions peuvent parfaitement relever du désir et illustrer un contexte plus positif. De plus, cette approche n'est pas garante de la capacité de l'insight à captiver une vérité fédératrice.

La seconde approche par la métaphore reprend l’idée de l’effet Aha vu en psychologie cognitive. Elle est donc directement liée à la pertinence de la solution, qui par définition n'est pas encore connue quand l'insight doit être utilisé en phase amont d'innovation avant d'élaborer une offre. Ainsi, bien que séduisante, cette définition par la métaphore peut prêter à l'anachronisme, car on ne pourrait qualifier réellement "d'insight" a posteriori une information inspirante que si elle a donné lieu au lancement d'une offre ou d'une solution à succès (c'est le principe de l'insight en psychologie cognitive). Le seul effet "Aha" traduit par la métaphore de Bullmore ne garantit en rien la distinction entre la vision éclairée et... l'erreur manifeste (l'illusion). 

Nous voyons que les approches par problématisation et métaphore ont chacune leurs avantages et limites. Aussi peut-on proposer une méthode qui permette à la fois de problématiser comme c'est le cas dans la première approche mais aussi d'évaluer l'attractivité de l'insight, sa capacité à générer de l'attention.

Méthode SMT©

La méthode SMT © (voire notre article sur le sujet)  permet de combiner les avantages de ces deux approches :

  • L'insight consommateur va être problématisé, c'est-à-dire qu'il va mettre en perspective la vérité consommateur qu'il exprime :
    • Il contiendra un sujet (S) : qui déterminera de quoi il s'agit, le contexte, la situation, etc. 
    • A ce sujet correspondra une motivation (M) : elle précisera en quoi cela est important pour le consommateur. La motivation est le "moteur" de nos choix décisionnels. Il est donc essentiel de la mettre en lumière dans un insight,
    • Enfin, et sans quoi cet insight serait incomplet, il doit contenir une tension (T) : elle désigne les limites ou les éventuels obstacles (notamment dans l'expérience actuellement vécue par le consommateur) qui rendre la satisfaction de cette motivation (M) dans le contexte de ce sujet (S), imparfaite voir insatisfaisante.
L'avantage de ce type d'insight pour le marketing est qu'il permet de restituer de façon précise une situation vécue ou ressentie par un consommateur. Notamment en phase de test (analyse de territoires d'opportunité ou dans des tests concepts) il permet d'éviter toute ambiguïté et de constituer une base d'échange avec les consommateurs. 

Une fois validé, ce type d'insight peut également efficacement figurer dans un brief de communication afin de permettre à l'agence de clairement saisir "ce qui est en jeu". En revanche, un tel insight structuré ne constitue pas une formule choc communicante pour une accroche ou un slogan. C'est la principale distinction avec l'insight communicationnel.

L'insight communicationnel

L'insight communicationnel, comme nous venons de le préciser fait directement profit de l'insight marketing (par la méthode SMT par exemple) quand le brief de communication est suffisamment nourri. En revanche, une formule aussi structurée (Sujet/Motivation/Tension) n'est pas en soi, communicante et a fort peu de chance d'être utilisée telle quelle dans le discours de communication de la marque. 


En effet, si l'on considère une communication, comme un film, il existe de nombreux instrument pour exprimer l'insight :

  • les personnages en présence et la situation : qui permet de n'avoir pas à verbaliser le Sujet,
  • leur attitude, leurs réparties et leurs expressions : qui permettent de mettre en lumière la Motivation,
  • l'expression d'un bénéfice clé : qui illustre souvent en filigrane la résolution d'une Tension.
L'exercice créatif du communicant le conduit donc bien évidemment à ne pas exprimer l'insight marketing de façon littérale mais plutôt d'illustrer de façon captivante et saisissante cette vérité. Ainsi, une accroche ou un slogan prend naturellement un sens particulièrement riche dès lors qu'il se situe dans le contexte de la communication qui fournit différents instruments d'ancrage (les personnes, les situations, etc...). Et bien évidemment l'insight communicationnel prend un sens encore plus précis pour une marque donnée, car il renvoie à des éléments qui structurent cette marque dans l'esprit des publics auxquels elle s'adresse.
Il est néanmoins clé de maîtriser en amont l'enjeu précis de l'insight et de disposer d'un ou plusieurs insight marketing structurés dans les briefs de communication.

L'insight n'est donc pas un concept monolithique

Nous n'avons pas ici la prétention de l'ambiguïté, nous souhaitions simplement illustrer que l'insight n'est pas un concept monolithique et qu'il revêt des significations ou des utilisations différentes en fonction des disciplines. Considérons-le comme une boîte à outil. Mais cette variété de situations ne peut pas être un prétexte pour ne pas définir contrairement les insights. Notamment en marketing ou en communication, la notion d'insight demeure parfois très nébuleuse dans certaines organisations justement car la richesse que nous venons d'illustrée est interprétée - à tort - pour considérer que tout est potentiellement "insight". Comme dans une boîte à outils, chaque instrument à un sens et un usage approprié. Le management des insights implique à chaque étape de définir et clarifier ce que l'on entend par insight. C'est le gage d'une chaîne de valeur maîtrisée à chaque jalon.


"You can't manage without measuring, and what is measured gets done. Measurement is the antidote to ambiguity. It forces you to impose clarity on vague concepts and to take action."  Anders Wester, Vice President of Tetra Pak from 2006 to 2009



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